Papier ou numérique, quel est l’enjeu ?
Les 2 jours passés au Colloque à la BAnQ organisé par la dynamique équipe jeunesse sur le thème « Autour de l’adulte de demain » nous ont laissés, je crois, un peu désemparés face à la méconnaissance du monde qu’on nous présentait, celui du numérique. Mais je crois aussi que toutes les personnes présentes ont eu la certitude qu’au fond, papier ou numérique, ce qui compte est d’offrir un contenu de qualité aux enfants.
Mais est-ce suffisant pour nous donner bonne conscience et nous autoriser à mettre dans les mains de nos enfants des tablettes ou des écrans ?
Timothée de Fombelle, invité spécial du colloque, a clôturé ces deux jours par une conférence de coeur, faisant l’apologie du rapport à l’imaginaire. Il aurait volontiers remanié le titre du colloque ainsi: « Autour de l’enfant d’aujourd’hui…et de l’adulte de demain ». Car c’est en effet aujourd’hui que la mutation des outils de transmission du langage écrit s’opère.
C’est pourquoi je pose ici la question de l’enjeu de cette mutation: l’aspect technologique transformera-t-il le rapport aux mots, à l’imaginaire, à la lecture ? Dans un monde où encore beaucoup trop d’enfants restent sur le côté de la route, la tablette est-elle une solution pour la littérature ? Le mot littérature deviendra-t-il désuet ? L’écriture numérique changera-t-elle l’écriture littéraire ?
Colloque réussi puisqu’il nous a amené à cogiter sur toutes ces questions.
J’ose affirmer que la littérature aura toujours sa place parce qu’elle répond à un besoin humain. Mais oui, cela me fait peur qu’une machine s’interpose toujours entre l’adulte et l’enfant. Suis-je ringarde de penser que l’album papier ou cartonné pour l’enfant (jusqu’à 7/8 ans) reste un merveilleux objet de pouvoir, d’abord pour lui-même puisqu’il est le maitre de sa lecture: il tourne la page à son rythme, revient en arrière, en saute deux, reste longtemps sur une illustration…Le mécanisme de la lecture passe par ces actions qui l’amènent peu à peu à comprendre qu’une histoire, ça se déroule de page en page.
Un autre point m’a interrogée : quand je vois le travail des éditeurs jeunesse qui donnent vie à des livres en toute liberté, grands, petits, épais, des livres qui s’ouvrent et se déplient, s’écoutent…Un travail fabuleux à offrir du beau aux enfants par un livre. Et il faut à tout prix conserver la beauté de cet objet, parce qu’il est un, parce qu’il est mille. Une tablette enferme l’histoire dans un rectangle qui impose ses limites visuelles, une tablette rend uniforme l’oeuvre jeunesse proposée par la lumière constante de l’écran qui méprise les médiums, la matière, le support. Et ce ne sont pas les petites distractions d’animations qui encourageront chaque lecteur à explorer son propre imaginaire.
J’aimerais ne pas m’inscrire « contre » la littérature jeunesse numérique mais j’attends l’idée géniale, la technologie merveilleuse qui ne m’ôtera pas la fascination d’une page qui se tourne dans Chien bleu ou Virginia Wolf.
Il faudra travailler fort pour me convaincre qu’on n’enlève pas quelque chose de formidable aux enfants, quelque chose de gratuit et accessible à tous dans le réseau des bibliothèques : une littérature jeunesse qui est oeuvre, richesse artistique et pensée originale. Le cerveau habitué aux petits mots de twitter ou de fb saura-t-il encore lire une fiction sans l’attrait des écrans lumineux ? Et puis, non, on ne crée pas un lien d’attachement avec une machine. Avec un livre, oui, on dort même avec à 3 ans !
Une histoire se mûrit lentement, des semaines, des mois, des années. J’espère que la littérature jeunesse conservera précieusement sa beauté et l’originalité des créateurs afin que chaque livre rencontre chaque lecteur. Un bonheur à portée de mains qui peut changer notre vie: Tom et le livre perdu.
Commentaires
5 commentaires
Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley est en marche et ses prévisions datent de 1920. La magie d’un livre ne se remplace pas .le soir, avant de s’endormir, cette merveilleuse histoire qui fait lien avec l’imaginaire, le doux bruit de la page que l’on tourne ou haletant on attend la suite de l’histoire. Ces illustrations qui font rêver. La force d’un texte qui forge l’imaginaire. Ce livre que serre bien fort, que l’on respire et qui nous accompagne toute une vie comme un trésor bien rangé sur l’étagère.
» le petit prince » sur une liseuse aurait eu une sombre fin.
Savoir lire, entendre comprendre, interpréter s’apprend tout petit et parfois tard mais réactive les neurones. Il est plus facile d’entendre que d’écouter pour façonner un esprit court.
Je partage tout à fait votre point de vue même si je lis parfois sur une liseuse. Je crois qu’une cohabitation des deux , papier et format numérique est possible et peut être même souhaitable afin d’aller conquérir une certaine catégorie d’individus réfractaires au format papier…
Je laisse mes grands lire juste pour le plaisir. Beaucoup aiment encore toucher aux pages et sentir le livre. Tout n’est pas perdu!
Je dois être un peu ringarde aussi car je partage tout à fait ton point de vue. Merci de l’avoir si bien exprimé.
Je dois être un peu ringarde aussi car je partage tout à fait ton point de vue. Merci de l’avoir si bien exprimé.
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